De retour en Suisse, William a écrit un texte concernant le marathon de Melbourne. Il raconte en détails son expérience et ses émotions par rapport à ce marathon qui a eu lieu dimanche passé. Merci de l’avoir soutenu sur les réseaux sociaux et nous espérons que cet article vous plaira. Les photos et l’article en anglais arriveront demain.
-Melissa, attachée de presse
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Il est 5 heures du matin ce dimanche 16 octobre 2016, je suis dans ma chambre d’hôtel à Melbourne et ne me sens pas bien du tout. Des sons de tambours résonnent dans ma tête Je dois me rendre à l’évidence : j’ai dû sûrement manger quelque chose qui ne m’a pas convenu. Je me fais une tasse de café et grignote avec grande peine une Questbar (barre protéinée).
Il fait encore nuit. J’entends le bruit du vent siffler à travers les fenêtres. Dans 3 heures le marathon sera parti. Il n’y a pas d’autre solution que de me préparer à tenir ces 42 kilomètres et 195 mètres. L’objectif de ma venue en Australie est d’inscrire ce marathon à mon Grand Slam !
A 6 heures, je quitte l’hôtel pour rejoindre la ligne de départ. Toujours ce sacré mal de tête, signe d’un disfonctionnement d’une partie de mon corps. Je décide de terminer coûte que coûte cette épreuve. Je n’ai pas parcouru en avion 20’000 kilomètres pour abandonner !
Avec ces 6’000 coureurs, le départ du Marathon de Melbourne (le plus grand d’Australie) est donné à 7 heures précise. Je décide de courir derrière trois meneurs d’allure australiens. C’est une tactique de course qui me plaît. D’une part parce qu’ils me motivent et d’autre part parce qu’ils me protégent du vent.
Nous passons allégrement la distance du semi-marathon en dessous de 2 heures. Je suis étonné que je tiens l’allure malgré le fait que les ravitaillements officiels sont composés pratiquement que d’eau. L’eau est un vieil ennemi de mon estomac qui la rejette dans l’effort.
Le vent est de plus en plus violent. Nous atteignons le 23ème kilomètre. Tout à coup, mon corps m’alarme de la détection d’une ou plusieurs anomalies. Immédiatement, le cerveau, ma tour de contrôle, analyse et juge la situation. Le résultat de cette appréciation est sans appel : je dois ralentir le rythme et laisser le corps récupérer un peu de l’effort fourni. Je dois laisser filer les meneurs d’allure….au revoir les copains.
Deux kilomètres plus tard je n’ai plus d’énergie malgré l’apport de deux sachets de PowerGel (substance énergétique) que j’avais précieusement mis dans ma poche. Je bois de l’eau à un ravitaillement et la réaction est immédiate. L’estomac se noue et rejette le liquide sur la route à plusieurs reprises. Je connais ce « concept » par expérience. Je reste calme malgré ces alarmes de plus en plus fortes à destination de mon cerveau. Mon allure ralentit et je commence à me faire dépasser par d’autres coureurs. Je ne peux pas réagir !
Au passage du 30ème kilomètre, je mets en place une « liaison » permanente entre mon corps et mon esprit qui est, pour moi, une composante des facultés mentales. Je veux terminer coûte que coûte ces 42 kilomètres ! Je n’ai plus de réserve… Je ne souffre pas mais je m’épuise peu à peu.
Je ne veux plus regarder ma montre. Ce n’est pas l’essentiel. Une alarme se déclenche à nouveau. Mon cerveau l’interprète comme le « chant du cygne » et me propose de terminer en douceur. Je décide d’alterner la course et la marche rapide. Que suis – je devenu ? Moi qui me vante de dompter les grandes distances !
Je passe le 38ème kilomètre sans gloire. L’épuisement commence à m’envahir totalement ; seul cette admirable relation corps – esprit me donne confiance. Je vais y arriver. Mon corps fatigué accepte les ordres : avance et tais- toi ! J’essaie de suivre un concurrent qui me paraît à ma portée. Cela n’est pas possible. J’ai l’impression que mes jambes sont des poteaux. Je ne peux plus plier les genoux. Une raideur sournoise a pris possession de cette partie de mon corps. Je continue à avancer tout de même.
Passage devant « Finders Street Station, Melbourne » 38ème kilomètre
Enfin, j’entends les commentateurs installés près de la ligne d’arrivée. Il me reste deux kilomètres. A ce moment, je me souviens de Gabriela (“Gaby”) Andersen – Schiess. Ayant manqué son dernier ravitaillement du marathon olympique de Los Angeles en 1984, elle termina cette épreuve grâce à sa volonté mais dans un état physique indescriptible, complètement déshydratée, titubante sur la piste du stade.
Sous quelques applaudissements, j’entre dans le stade mythique de 100’000 places le « Melbourne Cricket Ground ». En principe, ce genre d’endroit me fait frissonner mais pas aujourd’hui ! Je me concentre… je dois encore faire un tour de stade. Tous les voyants sont au rouge. Rien ne fonctionne excepté cette liaison si précieuse entre mon corps et mon esprit.
Melbourne Cricket Ground (MCG) il reste 300 mètres avant l’arrivée
Melbourne Cricket Ground : il reste 100 mètres avant l’arrivée.
La ligne d’arrivée franchie, je me laisse entrainer vers un poste de samaritains. On me propose de récupérer, je n’ai pas besoin de perfusion. Couché sur un brancard, je remercie intérieurement mon équipe : le corps si fatigué mais toujours prêt à se battre, mon esprit si tenace et enfin mon cerveau si utile à la réflexion..